L’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Marseille le 15 mars 2012 est intéressant à deux égards.
Premièrement, il confirme qu’il n’est nul besoin d’attendre que la Commission européenne approuve l’inscription d’un site au sein du réseau Natura 2000 pour lui conférer la protection propre aux dits sites. La seule proposition d’inscription par un Etat membre suffit. En ce sens, la Cour s’appuie explicitement (fait rarissime) sur un arrêt de la CJUE (13 janvier 2005, Dragaggi et autres, aff. C-117/03).
Au cas présent, le PLU de la commune de Cazevieille permettait la construction de centrales de production électrique en zone A et N, incluses dans le site d’intérêt communautaire (SIC, étape préalable à la Zone Spéciale de Conservation de la directive Habitats) « Pic Saint-Loup ».
La Cour a jugé que :
dès lors qu’il n’est pas possible d’exclure a priori des risques d’incidence significative des projets autorisés par le plan local d’urbanisme en cours d’élaboration sur un site Natura 2000, les travaux d’élaboration de ce plan auraient dû comporter une étude des incidences sur l’environnement
Deuxième apport de l’arrêt, plus novateur : le contrôle du juge sur les superficies minimales de construction prévues au PLU.
Pour mémoire, l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme prévoit que le règlement peut réglementer
5° La superficie minimale des terrains constructibles, lorsque cette règle est justifiée par des contraintes techniques relatives à la réalisation d’un dispositif d’assainissement non collectif ou lorsque cette règle est justifiée pour préserver l’urbanisation traditionnelle ou l’intérêt paysager de la zone considérée
Au bénéfice de conditions particulièrement floues résultant de la loi Urbanisme et Habitat du 2 juillet 2003, les communes abusent parfois de ces dispositions pour prévoir des superficies minimales de construction particulièrement élevées (ex : 5000 m² à Biarritz lorsque le terrain n’est pas desservi par un réseau d’assainissement), à l’origine d’un étalement urbain redoutable et contraire au principe de gestion économe de l’espace prévu par la loi Grenelle 2. A l’origine également d’une hausse des prix du foncier, facteur de discrimination sociale.
Dans cette affaire, la commune de Cazevieille a fixé en zone U des surfaces minimales pour construire variant de 2500 m² à 15 000 m². Saisie par déféré préfectoral, la Cour a statué comme suit :
Considérant, d’une part, que la commune de Cazevieille n’établit pas que la configuration des lieux serait peu favorable à l’épandage souterrain des eaux usées, ce qui pourrait justifier un espace supérieur à celui qui est habituellement nécessaire pour procéder à ce genre d’opération ; que, d’autre part, l’urbanisation traditionnelle du Montpelliérais n’est pas constituée d’habitat dispersé sur de vastes parcelles mais se caractérise par un habitat dense autour du village ancien ; qu’enfin, l’intérêt paysager de la zone considérée ne justifie pas de telles superficies minimales qui ont pour effet d‘entraîner une surconsommation de l’espace en méconnaissance de l’article L.121-1 du code de l’urbanisme [annulation du PLU]
De façon très explicite, la Cour s’oppose ainsi au gaspillage du foncier, aux obstacles à la densification urbaine; en un mot, à l’étalement urbain qui dévore progressivement les espaces naturels et agricoles. Elle souligne la violation de l’article L. 121-1 qui pose les grands principes en matière d’urbanisation, dont celui-ci : « L’utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels » (termes résultants de la loi Grenelle 2 du 10 juillet 2010, mais le principe préexistait).
Cet arrêt, à travers lequel le juge exerce un contrôle approfondi des conditions d’extension des zones urbaines, constitue une avancée importante.
> CAA Marseille, 15 mars 2012, Préfet de la région Languedoc-Roussillon, n° 10MA01798 (commenté à l’AJDA n° 35/2012, p. 1967)
> Sur les différentes étapes de l’adoption des zones Natura 2000 : une synthèse de la DREAL PACA