Dans un arrêt du 12 juillet 2019 (n° 422542), le Conseil d’Etat complète sa jurisprudence dans un sens favorable à la cohabitation entre panneaux photovoltaïques et agriculture, avec un considérant de principe assez limpide :
La circonstance que des constructions et installations à usage agricole puissent aussi servir à d’autres activités, notamment de production d’énergie, n’est pas de nature à leur retirer le caractère de constructions ou installations nécessaires à l’exploitation agricole au sens des dispositions précédemment citées, dès lors que ces autres activités ne remettent pas en cause la destination agricole avérée des constructions et installations en cause.
Etait en cause un permis de construire permettant l’édification, dans une zone agricole de Montauban, d’une serre de production maraîchère, d’une surface de près de 2 hectares, d’une longueur de 216 mètres et d’une largeur de 95 mètres pour une hauteur au faîtage de 5,16 mètres, équipée de panneaux photovoltaïques sur une partie de la toiture.
Le tribunal administratif puis la cour administrative d’appel de Bordeaux (arrêt du 25 mai 2018, n° 16BX00192) ont considéré que cette construction était irrégulière car elle ne pouvait être regardée comme « nécessaire à l’exploitation agricole » selon les termes de l’article R.123-7 du code de l’urbanisme, repris à l’article A2 du règlement du PLU.
Une position dure qu’a censurée le Conseil d’Etat pour erreur de droit, en interprétant avec souplesse cette notion de nécessité. Il suffit en effet que le projet photovoltaïque ne remette pas en cause la destination agricole des installations pour que les panneaux solaires soient tolérés.
Un examen différent de celui mis en oeuvre dans le précédent du 8 février 2017 (commenté ici), lequel mettait l’accent sur la compatibilité entre les activités et non entre les destinations au sens du droit de l’urbanisme (cf. art.R.151-27 c. urb.). Le Conseil d’Etat y exigeait, pour une installation solaire au sol, « le maintien sur le terrain d’implantation d’une activité agricole significative », en citant des travaux législatifs évoquant « l’absence d’atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ». En l’occurrence, « la disparition des cultures céréalières précédemment exploitées« , remplacée par la plantation d’une jachère mellifère et l’installation de ruches, était sanctionnée. L’activité énergétique n’était pas compatible avec l’activité agricole.
D’où l’intérêt de l’agrivoltaïsme, une technique innovante qui consiste à assurer la coexistence entre les deux activités…. mais qui ne passerait pas le test de la destination propre à l’arrêt ici commenté. Contrairement à la serre photovoltaïque qui a une destination hybride, mais clairement agricole, le panneau surrélevé de l’agrivoltaïsme n’a pas une « destination agricole avérée » pour reprendre les termes de l’arrêt de juillet 2019.
C’est que ce test n’est pas adapté pour l’agrivoltaïsme qui ne prétend pas avoir une destination agricole, mais d’équipement d’intérêt collectif au sens de l’article R.151-27 du code de l’urbanisme. Il l’est en revanche pour la serre photovoltaïque qui a une destination hybride qui pose question.
En somme, il ne faut pas se tromper de test. Pour les panneaux solaires qui s’invitent sur une parcelle agricole, le test de la co-existence des activités est adéquat (cf. CE 8 février 2017, n° 395464) et à ce jeux, l’agrivoltaïsme terrasse la classique centrale solaire au sol (en témoigne l’herbe jaune sous le trampoline de mes enfants dans le jardin). Pour les serres photovoltaïques à destination hybride, c’est le test de la destination qui est pertinent (même si le test de la coexistence des activités fonctionne aussi).
Au total, il apparaît que la jurisprudence du Conseil d’Etat telle qu’elle se dessine progressivement est en phase avec notre époque et avec les différentes technologies qui permettent de marier énergie solaire et agriculture.
> CE, 12 juillet 2019, n° 422542 (mentionné dans les tables, 6ème et 5ème chambre réunies).