Le Conseil d’Etat vient de rendre un arrêt important dans l’arbitrage entre l’usage agricole et l’usage énergétique des zones agricoles. Un arbitrage favorable aux terres agricoles.
Le projet en cause, porté par la société Photosol, était une ferme solaire de 12 MW dans la Beauce sur une surface de 26 ha – mais seulement 0,6 ha si on ne retient que l’emprise au sol des éléments techniques. Le porteur de projet soutenait qu’en installant une jachère mellifère et 300 ruches à la place d’une culture céréalière, il ne portait pas fondamentalement atteinte à l’usage agricole des terrains et ne méconnaissait pas les dispositions de l’article L. 123-1 c. urb. en vigueur en juin 2012 lors du refus de permis de construire, dispositions selon lesquelles :
Les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs peuvent être autorisées dans les zones naturelles, agricoles ou forestières dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages
Un raisonnement suivi par la CAA de Nantes qui a censuré le refus du préfet (23 oct. 2015, n° 14NT00587) avant d’être à son tour censurée par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 8 février 2017 (n° 395464, publié au Lebon).
Le Conseil d’Etat s’est référé aux travaux préparatoires de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, lesquels tendaient à « conditioner l’implantation d’installations photovoltaïques à la possibilité de maintien des activités agricoles, pastorales et forestières sur le terrain où ells doivent êtres implantées ».
Il a annulé l’arrêt du juge d’appel pour erreur de droit au motif que ce dernier a estimé que la plantation d’une jachère méllifère et l’installation de ruches suffisaient à assurer le respect de l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme « sans rechercher si, en l’espèce, compte tenu de la disparition des cultures céréalières précédemment exploitées et des activités ayant vocation à se developper sur les parcelles considérées, le projet permettrait le maintien sur le terrain d’implantation d’une activité agricole significative » (nous soulignons). Tout est dans le terme « significatif » qui, on s’en doute, n’est pas explicité par le juge.
Sur le même sujet, mais avant l’intervention de la loi du 27 juillet 2010, la CAA de Bordeaux avait validé le permis de construire délivré pour un parc photovoltaïque sur l’île de la Réunion, conduisant à une substitution d’une production de géranium par une production de cannes à sucre (CAA Bordeaux, 4 octobre 2012, n° 11BX01853). Un indice, il nous semble, de ce que le préfet, sous le contrôle du juge, serait prêt à accepter aujourd’hui dans le cadre de projets photovoltaïques en zone agricole.
A date, l’article L. 151-11 du code de l’urbanisme, opposable aux auteurs de PLU uniquement (et non aux demandeurs de PC) comporte sensiblement les mêmes dipositions :
Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut :
1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ; (…)
La jurisprudence du Conseil d’Etat est donc pertinente pour les projets en cours et à venir.
A noter, la proposition de loi relative à la luttre contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle, en cours de discussion au parlement, ne comporte pas de disposition sur notre sujet.
> Conseil d’État, 1ère – 6ème chambres réunies, 08/02/2017, 395464, Publié au recueil Lebon