Dans un arrêt du 11 juillet 2012, la Cour de cassation précise à quelles conditions le propriétaire d’un site pollué par une installation classée dont l’exploitation a cessé peut voir sa responsabilité engagée au titre de la police des déchets (art. L. 541-2 du code de l’environnement) :
en l’absence de tout autre responsable, le propriétaire d’un terrain où des déchets ont été entreposés en est, à ce seul titre, le détenteur au sens des articles L. 541-1 et suivants du code de l’environnement dans leur rédaction applicable, tels qu’éclairés par les dispositions de la directive CEE n° 75-442 du 15 juillet 1975, applicable, à moins qu’il ne démontre être étranger au fait de leur abandon et ne l’avoir pas permis ou facilité par négligence ou complaisance »
Deux remarques liminaires s’imposent :
- Il est question de déchets entreposés en surface. La décision serait certainement différente s’il était question de sol pollué puisque celui-ci ne peut plus être qualifié de déchet depuis le 12 décembre 2010, date d’expiration du délai de transposition de la directive 2008/98 excluant les sols pollués de la définition du déchet, définition reprise à l’article L. 541-4-1 du code de l’environnement ;
- La Cour de cassation laisse entendre que la police des déchets ne peut être mise en œuvre si un exploitant, actuel ou ancien, peut être désigné comme responsable de la pollution. La police des déchets s’efface donc devant la police des installations classées et le principe de la remise en état incombant au dernier exploitant (art. L.512-6-1 du code de l’environnement).
La Cour de cassation rejoint le Conseil d’Etat et précise la notion de détenteur
Cette décision converge avec la jurisprudence du Conseil d’Etat. Elle fait écho à l’arrêt société Montreuil développement du 23 novembre 2011, à ceci près que l’affaire concernait un sol pollué. Elle se rapproche surtout de sa décision Commune de Palais-sur-Vienne du 26 juillet 2011 dans laquelle le Conseil d’Etat statuait comme suit :
Considérant que le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés des déchets peut, en l’absence de détenteur connu de ces déchets, être regardé comme leur détenteur au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain »
A cet égard, l’apport de l’arrêt de la Cour de cassation réside dans le fait qu’il précise la notion de détenteur du déchet entreposé.
Il s’agit donc du propriétaire du site « en l’absence de tout autre responsable ». Il faut comprendre responsable au titre de la police ICPE voire, subsidiairement, au titre de la police des déchets si un propriétaire antérieur s’est illustré par un comportement fautif.
Le propriétaire actuel peut cependant échapper à la qualification de détenteur s’il démontre « être étranger au fait de leur abandon et ne l’avoir pas permis ou facilité par négligence ou complaisance ». Contrairement à ce qu’on pourrait penser, il ne s’agit pas alors d’un détenteur non fautif, mais d’un propriétaire non détenteur, qui de ce fait échappe à toute responsabilité au titre de la police des déchets.
Un détenteur non fautif ne serait donc pas détenteur de déchet au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement. Cette interprétation nous parait assez atypique au regard de la notion de garde de la chose au sens de l’article 1384 du code civil. Toujours est-il qu’elle est plus restrictive que celle du Conseil d’Etat, lequel considère que le propriétaire peut être regardé comme détenteur « notamment » s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain. Ce terme notamment laissait planer quelques doutes quant au comportement que devait adopter le propriétaire non exploitant.
La Cour de cassation étant plus explicite, celui-ci sait désormais qu’il doit s’abstenir de toute négligence ou complaisance à l’égard des déchets abandonnés sur son terrain. En pratique, une démarche « pro-active » est donc recommandée : le propriétaire sera bien inspiré de signaler la présence des déchets au maire dès l’acquisition du terrain et de rechercher un ancien exploitant susceptible d’endosser la responsabilité, tout en prenant la précaution d’archiver ses démarches.
> C. Cass. 3ème ch. civ., 11 juillet 2012, ADEME c/ Mme Viviane X., n° 11-10.478