En réaction au texte proposé par le Gouvernement et repris par l’Assemblée nationale, le Sénat a proposé le 6 mars dernier une vision différente en réponse au besoin de logements : la possibilité pour l’Etat de céder des terrains de son domaine privé en vue de la construction de logements sociaux à un prix inférieur au prix du marché.
L’Assemblée nationale a eu le dernier mot et a maintenu le projet initial, dont la phrase clé est la suivante :
Art. L. 123-1-11-1. – I. – Les droits à construire résultant des règles de gabarit, de hauteur, d’emprise au sol ou de coefficient d’occupation des sols fixées par le plan local d’urbanisme, le plan d’occupation des sols ou le plan d’aménagement de zone sont majorés de 30 % pour permettre l’agrandissement ou la construction de bâtiments à usage d’habitation, dans les conditions prévues au présent article. Cette majoration s’applique dans les communes dotées d’un plan local d’urbanisme, d’un plan d’occupation des sols ou d’un plan d’aménagement de zone en vigueur à la date de promulgation de la loi n° du relative à la majoration des droits à construire.
Nous nous rallions au camp des élus locaux et sénateurs consternés par cette nouvelle règle brouillonne et contre-productive, qui risque de détruire un équilibre soigneusement élaboré dans les plans locaux d’urbanisme (du moins c’est leur objet).
Le sénateur Thierry Repentin a bien résumé les motifs d’opposition :
Ce texte vise à instaurer, dans la précipitation, une mesure qui n’a fait l’objet d’aucune consultation, ni des communes, ni des professionnels du logement. Il s’agit d’une mesure redondante, puisqu’elle vient se superposer aux trois dispositifs de majoration des droits à construire déjà existants ; une mesure qui comporte des risques de contentieux liés aux incertitudes s’agissant des modalités de consultation du public ; une mesure insuffisante pour répondre à la crise du logement et même contreproductive puisqu’elle renchérit le coût du foncier ; une mesure contraire, par son caractère général et technocratique, à une démarche urbanistique de qualité telle qu’elle se traduit dans les plans locaux d’urbanisme (PLU) élaborés sur le terrain ; enfin, une mesure accusatoire à l’encontre des communes, puisqu’elle laisse entendre que la crise du logement est imputable à des politiques locales de constructibilité malthusiennes.
La nouvelle règle, applicable jusqu’au 1er janvier 2016, ne s’applique pas dans les secteurs sauvegardés (visant à protéger les quartiers anciens, cf. art. L. 313-1 c. urb. ). C’est bien la preuve que cette mesure « buldozer » prend une direction opposée à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine urbain.
Il faut donc souligner que les communes peuvent s’opposer à la mise en oeuvre de cette mesure, en application des dispositions suivantes :
À tout moment, le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent peut adopter une délibération mettant fin à l’application de la majoration prévue au I du présent article sur tout ou partie du territoire de la commune ou des communes concernées. Il en est de même s’il décide d’adopter la délibération prévue au sixième alinéa de l’article L. 123-1-11. Dans les deux cas, cette délibération est précédée de la consultation du public prévue, respectivement, au II du présent article ou au sixième alinéa de l’article L. 123-1-11. (nouvel art. L. L. 123-1-11-1 , III al. 2).
Le texte ne prévoyant ni décret d’application, ni mesure particulière pour son entrée en vigueur, il entrera en vigueur le lendemain de sa publication au J.O., imminente.
> Texte définitif du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire