BLOG

La jurisprudence progresse en matière de lutte contre le réchauffement climatique, mais à petits pas.

Climat, Contentieux, Jurisprudence, Louis-Narito Harada

Dans un arrêt Ministre de la transition énergétique c. Sté European Gas Limited du 24 juillet 2024 n° 471780, le Conseil d’Etat a jugé que le ministre pouvait légalement refuser un permis exclusif de recherches d’hydrocarbures, le permis dit « Bleue Lorraine Nord », par souci de cohérence avec la politique énergétique de la France et l’accord de Paris du 12 décembre 2015.

La décision est ambitieuse mais spécifique au régime du droit minier : le fait que la délivrance d’un permis de recherches d’hydrocarbures n’est pas de droit, même si les critères sont respectés; le fait que par voie de conséquence, le ministre peut fonder sa décision sur un motif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de l’autorisation. La CAA de Nancy est donc censurée pour avoir commis une erreur de droit, sans qu’il soit besoin de démontrer – et c’est le point intéressant – que ce seul projet était de nature à compromettre l’objectif national de réduction des GES.

On sait par ailleurs que le Conseil d’Etat a déjà jugé, dans le sens inverse, que l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique n’est pas opposable à une demande d’autorisation environnementale – mais seulement à une demande d’autorisation d’exploiter une installation de production d’énergie (CE 10 février 2022, n° 455465, affaire de la centrale de Larivot, évoquée ici). Cette décision n’est pas remise en cause par la décision European Gas Limited.

A la lumière de cette dernière, pour que l’impact carbone des projets soumis à autorisation environnemental soit réellement contrôlé, il faudrait que la protection du climat figure enfin parmi les critères de délivrance de l’autorisation environnementale (cf. art. L.181-3 et L.511-1 du code de l’environnement).

Il faudrait aussi que le volet climat de l’étude d’impact (qui pour le coup est une figure imposée, cf. art. R.122-5) soit un peu pris au sérieux par les porteurs de projet et les préfets, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui (cf. rapport de l’IGEDD du 7 mars 2024).

Il faudrait enfin arrêter de nous endormir avec le greenwashing du ministère autour, par exemple, des contrats de transition écologiques des 50 sites les plus émetteurs de France. Des contrats qui n’engagent à rien ou presque et qui ne sont pas sanctionnés.

Je publierai prochainement un article sur ce sujet, intitulé Plaidoyer pour un contrôle de l’impact climatique des projets.

> CE 24 juillet 2024, Ministre de la transition énergétique c. Sté European Gas Limited, n° 471780

> Conclusions du rapporteur public Frédéric Puigserver