Dit autrement, les installations de stockage de déchets non dangereux, visées à la rubrique 2760 de la nomenclature des installations classées, ont leur nouvel arrêté ministériel type.
L’objet de ces installations est rappelé à l’article 3 de l’arrêté du 15 février 2016 : Le « stockage de déchets non dangereux ultimes, quelle que soit leur origine, notamment provenant des ménages ou des entreprises. »
Discuté depuis septembre 2014, l’arrêté relatif aux ISDND a été publié au JO du 22 mars 2016. Il remplace l’arrêté du 9 septembre 1997 et vise, selon la notice de l’arrêté, à mettre à jour l’encadrement technique des ISDND en fonction des évolutions technologiques, notamment des bonnes pratiques en matière de barrière d’étanchéité passive et active, de mise en place du réseau de captage de biogaz dès le début de sa production et d’exploitation des casiers en mode bioréacteur. L’arrêté ministériel actualise également la liste des déchets admissibles en ISDND.
De ce texte technique et long de 24 pages, nous retiendrons (1) les modalités de son entrée en vigueur, (2) quelques définitions intéressantes et (3) les points qui ont fait débat lors de la discussion au conseil supérieur des risques technologiques.
(1) Les modalités d’entrée en vigueur dans le temps
Comme prévu par l’article L. 512-5 du code de l’environnement, l’arrêté ministériel s’impose de plein droit aux installations nouvelles et précise les conditions dans lesquelles il s’applique aux installations existantes. Aux termes de son article 63, l’arrêté s’applique ainsi aux ISDND autorisées après le 1er juillet 2016. S’agissant des installations autorisées avant cette date, quelques dispositions ne s’appliqueront pas :
Pour les installations de stockage de déchets non dangereux autorisées avant le 1er juillet 2016, les dispositions du présent arrêté s’appliquent [à compter du 1er juillet 2016] à l’exception :
– des servitudes d’utilité publique et de la bande d’isolement de 50 mètres prévues à l’article 7 ;
– des articles 11 [relatif au dispositif de collecte et de traitement des lixiviats] et 14 [sur la gestion des eaux de ruissellement] pour les casiers construits au 1er juillet 2016 ;
– de l’article 11 pour les bassins de collecte des lixiviats construits au 1er juillet 2016 ;
– des articles 14 et 16-V [sur l’utilisation des bassins pour lutter contre l’incendie] pour les bassins de stockage des eaux de ruissellement construits au 1er juillet 2016 ;
– de l’article 17 [sur l’analyse de l’état initial de l’environnement, une nouveauté qui s’ajoute à l’analyse plus générale de l’étude d’impact] ;
– des deux premiers paragraphes de l’article 20 relatifs à la période préalable à la mise en service de l’installation.
Exception faite des dispositions précitées, les installations existantes sont donc soumises aux nouvelles règles à compter du 1er juillet 2016. Il appartient à chaque exploitant d’anticiper cette échéance proche dès maintenant.
(2) Quelques définitions intéressantes
Quelques clarifications utiles à noter parmi les nombreuses définitions énoncées à l’article 1er :
- La notion de déchet ultime, déjà définie à l’article L. 541-2-1 du code de l’environnement, est complétée conformément à la jurisprudence : « Lorsqu’une collectivité ne met en place aucun système de collecte séparée, les ordures ménagères résiduelles qu’elle collecte ne peuvent pas être considérées comme des déchets ultimes. Les déchets ayant fait l’objet d’une collecte séparée à des fins de valorisation ne peuvent pas être considérés comme des déchets ultimes, à l’exception des refus de tri« . Cela rappelle que la notion de déchet ultime est relative dans le temps et dans l’espace.
- Le refus de tri est également relatif : « déchet issu d’une opération de tri effectuée par une installation de transit regroupement ou tri, non valorisable sous forme de matière dans les conditions techniques et économiques du moment« .
- Le lixiviat n’était pas définit dans l’arrêté de 1997 : « tout liquide fitrant par percolation des déchets mis en installation de stockage et s’écoulant d’un casier ou contenu dans celui-ci« . A noter, le texte introduit une hiérarchie des modes de traitement des lixiviats dans les décharges : traitement sur site, dans une autre ISDND ou, en cas de défaillance ponctuelle, dans une installation autorisée à recevoir ce type d’effluent (art. 11 IV).
- Le casier exploité en mode bioréacteur : « est considéré comme exploité en mode bioréacteur un casier dont la zone en cours d’exploitation est équipée d’un système de captage du biogaz, mis en place dès le début de la production de biogaz, et d’un système de recirculation des lixiviats ; le casier est équipé au plus tard six mois après la fin de sa période d’exploitation d’une couverture dont les modalités sont définies à l’article 55« .
- La notion d’alvéole (subdivision d’un casier) disparait. Le casier est défini comme une « subdivision de la zone à exploiter assurant l’indépendance hydraulique, délimitée par des flancs et un fond« .
(3) Les points qui ont fait débat devant le CSPRT : amiante, pneumatiques et radioactivité
Le CSPRT a examiné le projet de texte le 17 novembre 2015. Les membres ont convergé sur les modalités recours aux servitudes d’utilité publique (facultatives) et le contrôle visuel des déchets (contrôle visuel lors de l’admission sur site ou lors du déchargement – art. 30).
Des divergences sont apparues sur trois types de déchets : les déchets amiantés, les déchets de pneumatiques et les déchets RNR (à Radioactivité Naturelle Renforcée).
Les matériaux de construction contenant de l’amiante, « sous réserve qu’ils ne contiennent pas de substance dangereuse autre que l’amiante », sont (toujours) autorisés en ISDND (art. 3). Pour certains, cela permet de réduire utilement le stockage illégal de ces matériaux, pour d’autres, autoriser le stockage de déchets dangereux dans une installation de stockage de déchet non dangereux est incompréhensible, même si selon le Président du CSPRT (conseil supérieur des risques technologiques), les prescriptions techniques restent les mêmes pour le stockage de déchets dangereux et pour celui des déchets non dangereux. On observe en tout cas qu’ils seront désormais stockés dans des casiers mono-déchets dédiés (art. 39).
Les déchets de pneumatiques sont (toujours) interdits, à l’exception désormais des pneus de vélo (art. 3). Cette exception – qui concernerait 3 à 4 millions de pneus par an – s’expliquerait par le fait que ce type de pneus n’est pas pris en charge dans le cadre d’un régime de REP (responsabilité élargie du producteur). D’aucuns au CSPRT demandent que la REP pneumatique soit étendue à cette filière, à l’instar des pneus de motocycles (cf. décret n° 2015-1003 du 18 août 2015 modifiant l’article R. 543-137 du code de l’environnement). Plus généralement, le FEDEREC (fédération des entreprises du recyclage) s’interroge sur le point de savoir quel traitement réserver aux déchets de pneumatique susceptibles de se retrouver dans les fragments de broyage. Le broyage étant un préalable à une opération de tri, sans doute sont-ils susceptibles d’être qualifiés de refus tri et donc de déchet ultime, par opposition à un déchet de pneumatique. Une définition de cette notion de déchet de pneumatique (qui succède à la notion de « pneumatique usagée » qui semblait plus clair) aurait sans doute apporté une réponse.
Enfin, les déchets RNR ont posé problème. Peu connus, ils sont définis à l’article 1er de l’arrêté comme des « déchets issus d’activités industrielles mettant en œuvre des matières premières contenant naturellement des radionucléides non utilisés en raison de leurs propriétés radioactives ». C’est le cas par exemple des bordures de trottoir en granit. Le rapporteur du projet de texte indique qu’à l’heure actuelle, 80% des déchets RNR pénètrent dans des ISDND sans être signalés comme tels. De fait, certains observent qu’un contrôle plus rigoureux de la radioactivité stockée en ISDND semble nécessaire. En tout état de cause, la DGPR (direction générale de la prévention des risques) parle d’un projet de texte spécifique aux RNR qui, dans un avenir proche, les classera soit comme des déchets radioactifs, soit comme des déchets conventionnels. Affaire à suivre donc.
> Arrêté du 15 février 2016 relatif aux installations de stockage de déchets non dangereux