Dans le prolongement des décisions Wattelez II du 26 juillet 2011 (Commune de Palais-sur-Vienne) et Wattelez III du 25 octobre 2013 (évoquées ici et là), le Conseil d’Etat précise à quelles conditions le propriétaire d’un site pollué peut être qualifié de détenteur de déchets et tenu responsable de leur élimination.
Par un arrêt du 24 octobre 2014 (n° 361231, Sté Unibail Rodamco) mentionné aux tables, le Conseil d’Etat a dit pour droit que :
(…) sont responsables des déchets, au sens des dispositions de la loi du 15 juillet 1975, les producteurs ou autres détenteurs connus des déchets ; qu’en leur absence, le propriétaire du terrain sur lequel ils ont été déposés peut être regardé comme leur détenteur, au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, et être de ce fait assujetti à l’obligation de les éliminer, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain ou s’il ne pouvait ignorer, à la date à laquelle il est devenu propriétaire de ce terrain, d’une part, l’existence de ces déchets, d’autre part, que la personne y ayant exercé une activité productrice de déchets ne serait pas en mesure de satisfaire à ses obligations
Les cas de responsabilité subsidiaire du propriétaire de site pollué sont ainsi élargis. Il sera responsable parce qu’il a été négligeant (cf. jurisprudence Wattelez III) OU parce qu’il ne pouvait ignorer l’existence des déchets et l’incapacité du producteur à les éliminer conformément au code de l’environnement.
En pratique, lorsque l’acte de cession d’un site évoque une pollution (typiquement en application de l’article L. 514-20 c. env.), cela doit inciter l’acquéreur, en l’absence d’exploitant solvable, à se montrer particulièrement réactif et diligent pour contribuer à la recherche d’une solution quant au devenir des déchets.
Au cas présent, le Conseil d’Etat a censuré l’arrêt de la CAA de Paris pour erreur de droit dans la mesure où, « pour juger que la société Unibail-Rodamco était responsable de l’élimination de ces déchets », elle s’est fondée « sur la seule circonstance qu’elle était propriétaire des terrains pollués par des solvants chlorés provenant de l’exploitation de l’Imprimerie François, alors qu’il lui appartenait de se prononcer au regard des principes rappelés au point 5 » (cf. paragraphe reproduit ci-dessus). Après cassation, le Conseil d’Etat renvoie l’affaire devant la CAA de Paris.
Mise à jour du 8 mars 2015 :
Selon le rapporteur public Xavier de Lesquen,
cette solution a le mérite de clarifier les conditions de liquidation d’une société ayant mené des activités polluantes, en obligeant à diminuer la valeur de ses actifs des coûts de dépollution, évitant ainsi que leur acquisition à condition avantageuse soit assortie d’un transfert des coûts de dépollution à la collectivité publique. Elle met clairement en évidence que l’acquéreur du terrain devra supporter les coûts d’élimination des déchets dont l’existence est établie à la date de la transaction. » (conclusions publiées au BDEI n° 55, fév. 2015).
Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat parle d’un « détenteur des déchets polluant le sous-sol et les eaux souterraines du site », laissant entendre qu’un sol pollué peut être qualifié de déchet. Le rapporteur public Xavier de Lesquen précise cependant et opportunément que
la définition des déchets comprenait alors (à la date des arrêtés attaqués) les terres souillées non excavées, comme cela a été jugé par votre décision du 18 juillet 2011, Commune de Nîmes, n° 339452. L’état du droit a cependant changé avec la nouvelle directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets, dont l’article 2 exclut de son champ d’application « les sols (in situ), y compris les sols pollués non excavés ».
> CE, 24 octobre 2014, Sté Unibail Rodamco, n° 361231, mentionné aux tables